Patrimoine, mais presque…
Sa blondeur et son accent ne trompent pas, difficile de penser que Jenia Vasiljeva, lituanienne d’origine mais surtout vigneronne au Domaine Ampelhus à Lunel Viel, soit native de la région. Leur accent, la faconde latine qui appuie chacun de leurs mots, chacun de leurs gestes, traduisent mieux qu’une carte d’identité, l’origine italienne de Gennaro et Massimo Pezzella, créateurs de la pizzeria napolitaine nouvellement installée à Sommières. Cette diagonale culturelle et identitaire, traversant notre vieille Europe pour trianguler notre région, et lui apporter richesse, diversité et ouverture, faisant de Vilnius la banlieue de Sommières et de Naples un simple boulevard extérieur.
Notre région a toujours été au cœur des échanges et des mélanges et ce, depuis des millénaires. Un port commercial étrusque est créé vers 500 avant notre ère sur un site nommé par les archéologues Lattara et situé sur le territoire de l’actuelle commune de Lattes, au sud de Montpellier, bien vite remplacé par un port commercial grec. Ce sera ensuite le comptoir d’Agathè, qui deviendra Agde, fondé par les Grecs, à l’origine de Marseille, un siècle auparavant. Vers la fin du IIIe siècle av. J.-C., un peuple celtique, les Volques, prend ses quartiers dans une région qui s’étend du Rhône à la Garonne, des Cévennes aux Pyrénées avec pour capitales Toulouse et Nîmes… Je pourrais continuer ainsi pendant des pages et des pages, de la Via Domitia à la Retirada, tant notre histoire regorge de ces multiples croisements, qui ont contribué, années après années, siècles après siècles à l’essor et au rayonnement de notre région. Si le bottin papier existait encore il traduirait aujourd’hui, à la simple lecture des patronymes, combien nous sommes multiples…
Mais cette richesse, cette diversité, semble ne pas faire consensus, bien au contraire. Le repli identitaire, mais de quelle identité parle-t-on vraiment (?), est devenu leitmotiv dans beau nombre de commentaires, décisions, remarques ou autre sentences, portées principalement sur les réseaux sociaux, mais pas que…
Plutôt que la polémique, souvent stérile, notre magazine, depuis sa création, préfère œuvrer à la reconnaissance de chacune et chacun, en fonction de ses compétences, talents et originalité. Ce numéro de rentrée n’échappe donc pas à la règle. Et puisque septembre est aujourd’hui synonyme de patrimoine, avec son point d’orgue le week-end du 16 & 17, nous en avons fait notre axe éditorial. Parce que sans patrimoine, culturel, historique, architectural, immatériel, agricole ou industriel, finalement nous ne sommes que des passants dans ce monde qui nous survivra. Et pour mieux s’inscrire dans cette démarche, rien de tel que de pouvoir produire, révéler et transmettre ce patrimoine. C’est le travail de l’Association des Patrimoines d’Aubais qui tente de réécrire l’Histoire au présent, autour de son magnifique ensemble castral. À bien des égards, le travail accompli au Domaine Ampelhus, au cœur du vignoble lunellois, est une parfaite illustration qu’il est possible de faire du vin et de répondre aux enjeux environnementaux et climatiques tout en réussissant à révéler l’identité d’un terroir et de ses cépages. Enfin que dire de cette volonté sans failles de la famille Pezzella, qui valorise et dynamise et décline à l’envi un patrimoine culturel immatériel de l’humanité, à savoir la véritable pizza napolitaine.
Il y en a donc pour tous les goûts, toutes les tendances et toutes les saveurs, simplement pour vous faire découvrir et vérifier à nouveau que la véritable richesse de notre région c’est naturellement sa fabuleuse et infinie diversité !
Belle lecture à toutes et tous
Vincent COULON